Intervention de Jean-Claude Requier dans le cadre du Projet de loi pour une République numérique

Jean Claude Requier Sénateur PRG Groupe RDSE

Jean Claude Requier
Sénateur PRG
Groupe RDSE

Jean claude Réquier est intervenu au Sénat dans le cadre du projet de loi pour une République Numérique dont le vote solennel par scrutin public en salle des conférence aua lieu Mardi 3 mai 2016 à 16H00

ci dessous le texte de son intervention.

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi, défendu avec ambition et un engagement remarqué, repose sur un objectif louable et partagé : lever les obstacles à l’exploitation du gisement des données publiques pour soutenir la croissance économique de notre pays.

La France, on le sait, ne manque pas de talents en matière numérique. Toutefois, pour produire de la croissance, la mise à disposition des données publiques doit s’accompagner d’une amélioration de la couverture numérique de l’ensemble du territoire français, en métropole et en outre-mer. Pas question pour nous de jouer la partition « Paris et le désert numérique », à l’instar de ce qu’on fait les Britanniques avec Londres et le reste de leur pays.

C’est pourquoi la majorité des membres du RDSE considèrent que la mise à disposition des données publiques doit donner lieu, dans un premier temps, à une véritable transition numérique, respectueuse des droits et libertés des administrés et n’oubliant aucun territoire.

Pour donner au projet de loi une chance de susciter les retombées économiques attendues et les créations d’emplois espérées, il est nécessaire que chaque détenteur de données publiques soit en mesure de les mettre à disposition du plus grand nombre, après, bien sûr, avoir pris les précautions qui s’imposent.

En particulier, nous voulons nous assurer que la publication des données interviendra après les anonymisations et l’occultation des informations susceptibles de permettre l’identification de personnes ou la révélation de secrets protégés par la loi. Nous nous félicitons d’ailleurs de constater que ce projet de loi ne remet pas en cause l’existence de catégories de données ne pouvant faire l’objet d’un traitement informatique, ni celle de données sensibles, soumises à un régime de traitement informatique particulier.

L’esprit de la loi informatique et libertés de 1978 est de ce point de vue respecté ; notre groupe y est très attaché, comme il est très attaché aux travaux menés sur le traitement des données et le droit à l’oubli par notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier.

Dans un contexte de restrictions budgétaires, la question des coûts d’une telle ouverture des données publiques ne doit pas être éludée. Au reste, à l’heure où les collectivités territoriales se voient notifier les prévisions de leurs futures dotations, le Gouvernement pourrait s’appliquer à lui-même les principes qu’il entend généraliser, en communiquant les algorithmes de calcul qu’il utilise en la matière…

D’autre part, il importe de prendre en compte les évolutions de notre société, dans laquelle les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont devenues incontournables. La numérisation des données publiques est inéluctable ; elle a d’ailleurs commencé. La majorité d’entre nous est donc favorable au principe de gratuité des échanges de données publiques entre les administrations et à la publication des données publiques par l’ensemble des services administratifs.

La réussite de cette transition numérique dépendra cependant de la capacité de l’État et de la CNIL à accompagner les services et les collectivités territoriales en les assistant dans les procédures d’anonymisation de données personnelles et de publication. De même, l’harmonisation du format des données de référence nationales devrait être prise en charge par l’État.

Dans la même logique de promotion d’une économie numérique innovante, il nous a paru nécessaire d’instaurer un cadre juridique favorable aux chercheurs. Ainsi, nous souhaitons donner au ministre de la recherche la possibilité d’imposer aux maisons d’édition scientifique un délai d’embargo inférieur à ceux fixés par la loi, afin de fluidifier les communications entre les chercheurs.

Il est également urgent de s’assurer que la fouille de texte et de données à des fins de recherche scientifique ne puisse être entravée par la volonté de grandes maisons d’édition ; il convient pour cela de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale sur ce point.

En ce qui concerne la protection des droits des acteurs et consommateurs de la société numérique, nous voyons d’un bon œil le développement d’une conception de l’internet alternative au modèle défendu par les géants de Californie.

Nous souhaitons en effet que le projet de loi soit modifié pour renforcer les exigences de transparence concernant les avis déposés en ligne, afin que les utilisateurs exercent leur liberté d’expression de manière plus loyale, c’est-à-dire sans se cacher derrière des prête-noms permettant toutes les dérives.

Il s’agit également de lutter contre une tendance portée par les grands acteurs du numérique, qui sont aussi les promoteurs de nouveaux modèles économiques s’affranchissant parfois des règles les plus élémentaires de notre droit, comme celles relatives à la propriété ; nous aborderons ce point lorsque nous évoquerons les locations.

Les données bancaires des consommateurs devraient également être mieux protégées en ligne, et leur conservation par les plateformes plus strictement encadrée.

Dans la même logique, nous soutenons les dispositions destinées à mieux protéger la vie privée des personnes en ligne, telles que la reconnaissance d’une action collective pour obtenir la cessation d’une violation concernant l’utilisation de données personnelles et les droits reconnus aux personnes victimes de harcèlement et de chantage au moyen de contenus à caractère sexuel.

Enfin, si les sanctions prévues par le projet de loi peuvent paraître dérisoires au regard du chiffre d’affaires des plus grands acteurs de l’économie numérique, nous comprenons qu’elles correspondent aux standards définis par le futur règlement européen relatif à la protection des données personnelles.

Mes chers collègues, vous connaissez notre engagement en faveur de la lutte contre les inégalités territoriales et l’isolement administratif dans les territoires ruraux. Notre détermination est identique en ce qui concerne l’accès de tous les citoyens aux réseaux de communication.

Malgré les efforts de nombreux élus locaux, la couverture numérique du territoire reste inégale, en raison aussi des logiques concurrentielles qui s’imposent. Lors des débats précédents, notamment à l’occasion de l’examen du projet de loi dont est issue la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, mes collègues et moi-même vous avons déjà alertée, madame la secrétaire d’État, sur l’existence de zones blanches, véritables îles intérieures du territoire français.

Face aux inégalités d’accès aux nouvelles technologies, qui s’accentuent, et alors que les administrations ont de plus en plus recours à ces outils, l’État doit réagir et proposer un plan de transition numérique en concertation avec les acteurs de terrain que sont les élus locaux.

En définitive, ce projet de loi comporte des dispositions visant à développer des technologies et des pratiques numériques très avancées, susceptibles de renforcer l’attractivité française. Les membres du RDSE veilleront particulièrement à ce qu’aucun territoire de la République, notamment en milieu rural, ne soit privé du numérique. Si certains devaient en être exclus, la future loi ne mériterait pas de s’appeler « loi pour une République numérique » !

Cette République doit s’adresser à tous les citoyens et concerner tous les territoires. Les membres du RDSE veilleront à ce qu’il en soit ainsi, et c’est au regard de ce principe que, au terme de nos débats – menés sans anglicisme, madame la secrétaire d’État ! – ils arrêteront leur position sur l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

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