Intervention de Philippe Enol sur la banque d’investissement Sino Francaise

chine franceMonsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la création par la Chine d’une Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures et l’annonce de la participation de la France à cette initiative, ont suscité l’émoi de nos partenaires : des Américains, tout d’abord, qui y voient une remise en cause du système financier international hérité de Bretton Woods et de l’influence qu’ils exercent depuis lors à travers le monde ; mais aussi des Japonais, qui constatent, quant à eux, l’affirmation de la montée en puissance de la Chine dans la région.

La mise en place de cette banque, qui est destinée à investir dans les infrastructures de transports, de distribution d’énergie ou de communication, mais qui sera, inévitablement, au service de la stratégie commerciale de la Chine, constitue-t-elle pour autant un bouleversement majeur de l’ordre international, appelant une prudence telle qu’elle justifierait qu’on s’en tienne à l’écart ?

Le fait est qu’il existe des besoins réels de financement sur le continent asiatique, lesquels ont été chiffrés à 800 milliards de dollars par an, et que les institutions financières internationales existantes, telles que le FMI ou la Banque mondiale, ne sont pas en mesure de satisfaire. La Chine entend ainsi drainer l’épargne dormante, afin de combler le retard de développement des pays voisins et de développer ses propres voies de communication vers les marchés européens et américains, ce dans une logique de complémentarité et non de substitution aux institutions actuelles.

En outre, la Chine a ouvert la possibilité à des pays non asiatiques de devenir membres fondateurs, assurant ainsi à la Banque un caractère multilatéral que vient de rappeler M. le rapporteur. La France a fait le choix d’y prendre part, en dépit de mises en garde relatives au système de gouvernance choisi et à l’absence de respect des normes sociales et environnementales. Elle a décidé de s’y associer pour faire évoluer cette institution de l’intérieur, mais aussi pour bénéficier des opportunités économiques induites.

Je crois, mes chers collègues, que nous avons eu raison ! Les faits tendent d’ailleurs à le prouver, puisque l’adhésion de nombreux États non régionaux a permis de faire baisser le poids de la Chine au sein de l’institution : l’Europe disposera même, me semble-t-il, d’une minorité de blocage.

Permettez-moi de relever tout de même que le Royaume-Uni a hérité d’une chaise à part entière autour de la table. Je ne peux que regretter que, une fois de plus, l’influence de l’Union européenne se trouve ainsi relativisée et que tout le monde semble l’accepter avec une certaine fatalité. Le Brexit n’a pas encore eu lieu et la Grande-Bretagne est toujours membre de l’Union européenne, me semble-t-il !

Enfin, je souhaite dire quelques mots sur le rôle très important et reconnu de l’Agence française de développement, qui intervient en Asie, notamment, en Chine. Il faudra veiller à ce qu’elle conserve une réelle visibilité dans les projets qu’elle cofinancera avec cette nouvelle banque asiatique. Je sais bien, en vérité, que nous pourrons compter sur notre collègue Yvon Collin, rapporteur spécial du budget de l’aide publique au développement et fin connaisseur de cette agence, pour y veiller.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe du RDSE votera unanimement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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