Françoise Laborde Sénatrice évoque la loi travail lors de son intervention, ci dessous le texte de celle ci
Monsieur le Président,
Ma question s’adresse à Madame la Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Le conseil des Ministres devrait examiner la semaine prochaine une version remaniée du projet de loi travail, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. A l’heure actuelle cet avant-projet de loi contiendrait toujours un article 6 dont on parle très peu et qui n’est pas sans poser de sérieuses difficultés, pour ne pas dire davantage à ce stade de la procédure.
Je le cite : « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».
Contrairement à ce qui est avancé, cet article ne s’inspire pas des recommandations du « Rapport Badinter » sur la réforme du droit du travail, lequel était désireux de faire entrer la laïcité dans le Code du travail. En effet, la formulation retenue ne favorisera pas le principe de laïcité mais conduira à la multiplication de demandes à caractère religieux dans l’entreprise, mais aussi de contentieux motivés par cette nouvelle insécurité juridique.
Selon une étude récente publiée par l’Observatoire du fait religieux en entreprise le nombre de conflits impliquant des « demandes liées » au fait religieux a « doublé » en un an, au point que selon cet observatoire « ces conflits entravent la cohésion des équipes et peuvent engendrer un climat délétère au sein de l’entreprise ». En 2011, le Haut Conseil à l’Intégration avait déjà fait le même constat.
À défaut d’instaurer la neutralité religieuse en entreprise, position qui est la mienne, votre projet de loi devrait à tout le moins ne rien dire sur cette question, laissant toute liberté aux entreprises de se doter d’un règlement intérieur organisant la neutralité religieuse, politique et philosophique, comme l’a déjà fait par exemple le groupe Paprec.
Il est regrettable de constater qu’en l’état la rédaction de l’article 6 est une porte ouverte aux revendications communautaristes au sein même des entreprises.
Alors, Madame la Ministre, notre question est simple : quelle interprétation faîtes-vous de cet article ? Est-il encore possible que vous reveniez sur cette rédaction avant la présentation du texte en Conseil des Ministres ? Ou bien faudra-t-il que le débat ait lieu devant le Parlement ? Dans ce cas, nous serons présents et actifs. »
compte-rendu analytique
» Réponse de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . – Je sais votre profond attachement à la laïcité, madame Laborde.
Cet article 6 est bien issu des travaux de la Commission Badinter, préalables à une réécriture d’ensemble du droit du travail dans ses trois étages : ordre public social, négociation collective, dispositions supplétives applicables en l’absence d’accord d’entreprise et de branche. Il reprend la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme à droit constant. Il fera l’objet d’un débat parlementaire, comme les autres dispositions de ce texte.
Mais vous touchez à un autre sujet : le conflit religieux en entreprise. Après les attentats de novembre, j’ai conduit une mission avec les partenaires sociaux, salariés et employeurs, pour rédiger un guide d’information…
Il sera publié dans les prochaines semaines avec le concours de la direction générale du travail Il a fait émerger, en effet, une méconnaissance du droit de la part des salariés comme des entreprises. Il nourrira nos échanges. »