Françoise LABORDE, est intervenue mercredi 4 mai dans le débat qui s’est tenu au Sénat sur « la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur ».
Le texte de l’intervention ci dessous :
l’évolution des métiers, de plus en plus qualifiés, implique une adaptation des modalités d’enseignement, un accès de tous à la connaissance et à la formation tout au long de la vie. Voilà une belle ambition à laquelle nous souscrivons, mais lui donner une traduction concrète est le défi que doivent relever nos universités au quotidien, en se rapprochant le plus possible de cet objectif.
En février 2013, le Président de la République a déclaré, dans un discours prononcé au Collège de France, que la loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche viserait deux objectifs : la réussite des étudiants et le décloisonnement. Nous devons user de tous les moyens dont nous disposons pour tenter de les atteindre !
Le processus de décloisonnement et de simplification a été engagé. Récemment, cinquante mesures ont été annoncées en vue de faciliter les démarches des étudiants et des professionnels des universités ou pour rationaliser certaines mentions de licences et de masters. En revanche, le volet relatif à la réussite des étudiants n’a connu que des avancées trop timides. Sur ce point, nous pouvons, nous devons mieux faire, monsieur le secrétaire d’État.
Les inégalités sont également territoriales et les nouvelles formes d’enseignement, comme les MOOC, tiendront à l’avenir une place fondamentale dans l’accès des jeunes à l’enseignement supérieur. Selon nous, les développer doit constituer une priorité ; ce n’est pas encore le cas, et des progrès rapides sont nécessaires, car l’enjeu dépasse nos frontières !
Il nous faut produire davantage de contenus intégrés à la formation initiale et continue, pour que les utilisateurs aient plus souvent recours à la certification des connaissances acquises. Bien sûr, le principe de la gratuité des cours en ligne doit être maintenu si l’on veut véritablement utiliser les MOOC pour démocratiser les savoirs. Il y a là un potentiel extraordinaire à développer !
Cette révolution numérique n’est toutefois pas suffisante. Nous devons maintenir une forte présence des établissements universitaires sur nos territoires. C’est une question d’aménagement du territoire et de maintien de la matière grise, y compris dans la ruralité. Le groupe du RDSE s’inquiète particulièrement de l’avenir des antennes universitaires délocalisées qui dispensent des formations très spécialisées, prisées par les entreprises locales.
Nous approuvons bien évidemment la mise en place d’une stratégie de long terme pour l’enseignement supérieur et les grands axes de celle-ci : construire une société « apprenante » et soutenir notre économie, développer l’internationalisation, favoriser l’ascension sociale, inventer l’éducation supérieure du XXIe siècle et répondre aux aspirations de la jeunesse.
Ces objectifs sont louables, mais les moyens pour les atteindre font encore quelque peu défaut. La France consacre 1,49 % de son produit intérieur brut à l’enseignement supérieur, contre 1,59 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. La situation budgétaire des universités est difficile et l’investissement n’est pas à la hauteur des enjeux. On attend de l’enseignement supérieur qu’il atteigne de nouveaux objectifs, tout en préservant la qualité de l’enseignement, sans pour autant accroître ses moyens, alors que le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter.
Ce constat appelle un renforcement urgent des capacités d’accueil des universités. Des filières sont saturées et le tirage au sort des candidats relève d’une conception assez étrange de la réussite par le mérite… Cette situation n’est tout simplement pas acceptable !
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
Mme Françoise Laborde. La mise en place d’une sélection entre la première et la deuxième année de master, en recourant à un décret plus de trente ans après la promulgation de la loi Savary, a fait couler beaucoup d’encre. Elle révèle, s’il en était besoin, l’insuffisance des capacités d’accueil et l’inadéquation entre la formation des étudiants, d’un côté, et les besoins des professionnels, de l’autre.
Nous aurons l’occasion d’évoquer plus longuement ce sujet lors de l’examen du projet de loi « égalité et citoyenneté », mais, reconnaissons-le, une université de qualité et une formation professionnalisante impliquent le recours à une sélection en fonction des résultats et des motivations des étudiants. Comment pourrait-il en être autrement ?
Dans un contexte de réduction de la dépense publique, le budget de l’enseignement supérieur a pu échapper aux coupes budgétaires. Mais, aujourd’hui, il est insuffisant au regard des nouvelles responsabilités confiées aux universités, qui devront notamment assumer les titularisations et l’augmentation du point d’indice des personnels.
Notre pays a fait le choix, que je partage, de maintenir un système de financement de l’université principalement public. Cela me semble essentiel au regard de la mission de service public qu’elle assure. Toutefois, il ne faut pas s’interdire de recourir au mécénat d’entreprises ou de développer la formation continue, car on voit mal comment l’université pourra relever les défis qui l’attendent sans ressources nouvelles. Là aussi, le principe de réalité nous rattrape et s’impose à nous !
Les universités françaises, fortes d’une longue et prestigieuse histoire, doivent poursuivre leur mutation pour pouvoir envisager l’avenir avec sérénité et ambition. Dans ce contexte, les classements internationaux ne doivent pas être une obsession. La première de leurs missions reste la formation et la recherche, l’accès des étudiants aux savoirs et leur insertion dans le monde professionnel : c’est ce que la STRANES ne doit pas perdre de vue !