Jean-Claude REQUIER est intervenu le mardi 3 mai dans le débat qui s’est tenu au Sénat sur la situation financière des communes et des intercommunalités.
Le texte de son intervention ci dessous
La destinée des collectivités territoriales serait-elle d’être sans cesse ballotées « entre des illusions passagères et des tourments continus », comme l’a écrit Alexandre Corréard à propos des sombres péripéties des passagers du radeau de La Méduse dont il fut l’un des quinze rescapés ?
Le programme de stabilité qui a été dévoilé le 13 avril dernier a confirmé la poursuite de la baisse des dotations de l’État aux collectivités de 3,7 milliards d’euros en 2017. Pis, pour la même année 2017, il prévoit 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que la Haute Assemblée se préoccupe de la situation financière de plus en plus inquiétante des collectivités territoriales.
Sans surprise, après une baisse de 8,4 % en 2014, l’investissement local a enregistré en 2015 un nouveau recul de 10 % qui pénalise grandement la reprise économique dans nos territoires. À ce sujet, dans le rapport qu’ils ont remis le 7 avril dernier, les sénateurs Dallier, Guéné, et Mézard relèvent que « certaines collectivités non seulement n’arrivent plus à investir, mais ont du mal à assurer leur fonctionnement. Les hausses d’impôts deviennent inévitables, y compris dans les grandes villes, qui étaient 37 % en 2015 à avoir dû actionner le levier fiscal ».
La situation financière de bien des collectivités est tout simplement intenable ! Les communes et les intercommunalités, qui doivent supporter la baisse des concours de l’État, font face dans le même temps à des charges supplémentaires et peinent ainsi à mettre en œuvre leurs obligations légales, comme la mise en accessibilité des bâtiments publics ou la réforme des rythmes scolaires.
Les territoires ruraux sont tous affectés, car, en dépit d’une gestion équilibrée, ils peuvent avoir une structure budgétaire fragile et des charges réelles importantes, comme l’entretien d’un grand patrimoine culturel. Une baisse minime de leurs financements peut faire tragiquement basculer leur situation financière.
Leurs charges réelles doivent donc être mieux prises en compte dans leur contribution au redressement des comptes publics.
Pour compléter le tableau, les dernières réformes territoriales nécessitent aussi de lourds investissements, que les financements actuels ne permettront pas de couvrir sur la durée. À cet égard, le gel de la baisse des dotations dans le cadre de la mise en œuvre des communes nouvelles n’est qu’un dispositif temporaire de trois ans.
Dans ce contexte, une réforme globale du financement des communes et des intercommunalités est plus que nécessaire. Les mesures d’urgence jusque-là envisagées ne sont pas suffisantes.
Le Gouvernement mobilise pour 2016 un milliard d’euros de crédits supplémentaires spécifiquement dédiés au financement de projets portés par les communes et les intercommunalités, afin de soutenir l’investissement local. Ces crédits financent à hauteur de 800 millions d’euros la dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements à fiscalité propre et augmentent de 200 millions d’euros la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, ce qui maintient celle-ci à son niveau de 2015.
D’autres mesures accompagnent la création de ce fonds, comme l’extension du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA.
Toutefois, l’incidence de ce fonds d’un milliard d’euros, exceptionnellement créé pour 2016, doit être relativisée. Premièrement, ce dernier n’a pas vocation à être reconduit en 2017, contrairement à la baisse des dotations, qui, elle, se poursuit. Deuxièmement, une part des 200 millions d’euros de l’enveloppe globale permet simplement de maintenir la DETR à son niveau de 2015. Troisièmement, ces subventions sont attribuées selon la volonté du représentant de l’État dans les régions, conformément à une feuille de route très vague. Ce nouveau fonds, dont l’objectif est louable, n’est sûrement pas une solution pérenne pour nos territoires !
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a-t-il l’intention d’alléger l’effort financier imposé aux communes et aux intercommunalités ? Selon l’Association des maires de France, l’investissement des communes et des intercommunalités chuterait de 25 % entre 2014 et 2017 dans la perspective de la poursuite de la baisse des concours de l’État. Or, dans le programme de stabilité, le Gouvernement prévoit bien la poursuite de cette baisse et compte sur un nouveau ralentissement des dépenses des collectivités d’un milliard d’euros en 2017.
Dans leur excellent rapport sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017, mes collègues Dallier, Guéné, et Mézard vous suggèrent de supprimer ou, a minima, de répartir sur deux ans au moins la dernière tranche annuelle de l’effort contributif au redressement des comptes publics. Le Gouvernement a-t-il l’intention de revoir sa copie ou tout au moins de corriger le tir ?
Pour réussir la réforme de la DGF et garantir son équité, il est essentiel de mener une réflexion territorialisée. Au cœur de cette question, évidemment, il s’agit de trouver le juste critère permettant de refléter la réalité des charges et des compétences pesant sur les collectivités. À cet égard, le coefficient d’intégration fiscale n’est pas assez représentatif.
Par ailleurs, les modalités de calcul de la dotation de centralité et de la dotation de ruralité doivent également être plus équilibrées, afin que les communes rurales et les centres-bourgs ruraux ne soient pas les laissés-pour-compte de la nouvelle réforme de la DGF. Ces dotations doivent mieux tenir compte des réalités multipolaires des territoires et mieux évaluer les charges de centralité, le critère de population étant bien trop insuffisant pour mesurer le rôle de centre d’un territoire.
Madame la secrétaire d’État, sur ces recommandations de bon sens, mais non dénuées de difficultés techniques, j’en conviens, avez-vous des pistes ? Il est désormais urgent de prendre des décisions susceptibles de soulager les finances des communes et des intercommunalités de notre pays. C’est très important pour l’avenir de nos territoires comme pour le bien-être de nos concitoyens.