Sénat : Jacques Mezard intervient sur la proposition de loi relative à l’extension de délit d’entrave à l’IVG

jacques mezard

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon groupe votera le texte de la commission des affaires sociales, tout en exprimant des regrets sur le recours à la procédure accélérée, madame la ministre, ainsi que sur le tempo : nous considérons en effet qu’il n’était pas très opportun d’engager ce débat quelques mois avant les échéances électorales, lequel méritait davantage de réflexion.

C’est un sujet qui est toujours douloureux, qui mérite la sérénité, le respect des convictions et, bien sûr, le respect de la loi de la République. Mon groupe – cela fut très profondément et magnifiquement incarné par Henri Caillavet – a toujours été à la pointe de ces questions sociétales. Avec pour nous un objectif prioritaire : le respect de la liberté de chaque femme à disposer de son corps, quelles que soient sa situation de fortune et sa situation sociale.

Le devoir de l’État, c’est aussi de préserver la santé de chacune de ces femmes dans une situation qui n’est jamais un choix de facilité ; c’est toujours un moment difficile, sur les plans tant moral que physique.

Toute utilisation politicienne de ce qui est toujours une épreuve me révulse.

Chacun doit avoir le droit d’exprimer son opinion pour ou contre l’IVG, mais chacun a aussi l’impérieux devoir de respecter la loi de la République issue de ce qui restera dans l’histoire, dans cette enceinte comme à l’Assemblée nationale, la loi Veil.

Mes chers collègues, j’étais présent dans cette tribune le 13 décembre 1974, où j’écoutais tant la ministre Simone Veil que le rapporteur du projet de loi, le sénateur Jean Mézard. J’ai vu de près ce que furent les affrontements, les excès, parfois la violence des propos. Encore que le Sénat, avec une majorité des deux tiers, avait su montrer à l’époque, une fois de plus, sa capacité à intégrer les évolutions sociétales et le respect des libertés.

En 1979, et Gilbert Barbier, alors député, s’en souvient, le débat fut tout aussi rude.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Une partie minoritaire de l’opinion est toujours aussi déchaînée contre l’IVG. Et elle a le droit d’exprimer ses convictions, par essence respectables. Mais une minorité de cette minorité n’a jamais hésité à transgresser la loi, soit physiquement par des intrusions dans les hôpitaux et cliniques – d’où la loi de 1993 –, soit, comme elle le fait aujourd’hui, en utilisant internet pour instrumentaliser la détresse des femmes.

Cher Michel Mercier, ce matin, vous avez pratiquement institutionnalisé la notion de droit au mensonge. Mais le mensonge en droit civil, c’est le dol, et en matière pénale, c’est l’escroquerie. Et lorsque le mensonge peut mettre en danger la santé de nos filles, de nos compagnes, notre devoir est de le combattre, sur internet comme ailleurs.

Oui, internet ouvre des perspectives nouvelles, mais comporte aussi des zones d’ombre et de danger. Alain Milon et moi-même avons été confrontés à ce fait lorsque nous rédigions le rapport de la commission d’enquête sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé. Que des sites sur le cancer, par exemple, poussent nos concitoyens à ne plus se soigner, c’est criminel ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Et notre devoir est de mettre fin à ces pratiques !

Ce qui se passe aujourd’hui sur certains sites est déplorable, d’autant que les femmes qui sont trompées par ces informations fallacieuses ne bénéficient bien sûr sur le terrain, dans leur quotidien, d’aucun véritable soutien de ces donneurs de leçons de morale.

Nous voterons donc le texte de la commission, car il a une vertu : adresser un avertissement législatif à ceux qui font fonctionner ces sites. Mais il ne résout pas, tant s’en faut, tous les problèmes.

Je me souviens du rapport que l’Inspection générale des affaires sociales avait consacré à l’IVG en 1970. Madame la ministre, la situation n’a pas beaucoup évolué au cours de ce quinquennat.

Que constate-t-on ? Une diminution du nombre d’établissements pratiquant l’IVG, un éventail incomplet des techniques d’IVG dans les structures hospitalières, alors que le choix de ces techniques devrait relever des intéressées, après information, et aussi, il faut le dire, une faible attractivité de l’activité orthogénique chez les jeunes médecins.

Madame la ministre, mes chers collègues, notre pays se targue d’avoir un système de santé de qualité ; celui-ci doit permettre une application de la loi de la République sur tout le territoire, sans soumission à des choix budgétaires locaux ou à des positions personnelles, même respectables.

C’est le sens du combat que mon groupe a toujours mené et c’est la position que je tiens aujourd’hui à défendre, en son nom. Nous voterons par conséquent le texte de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

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