De « touche pas à mon pote » à « touche pas à mon voile » ? #PasAuNomDeMaGauche ! par G.Lacroix

Il était universaliste ce concert de 1985, où SOS racisme brandit la main fraternelle du « touche pas à mon pote ». Il marqua toute une génération.

Depuis des décennies, des foyers Sonacotra aux quartiers périphériques conçus pour les accueillir, les travailleurs migrants et leurs familles venus du Maghreb étaient installés, entre eux, par la France. Des décennies que ces nouveaux arrivants étaient considérés comme citoyens de seconde zone. Des décennies d’un racisme normalisé. Des décennies marquées par la décolonisation, les rapatriements, les ratonnades et l’OAS.

Ce soir de 1985, la deuxième génération disait stop. La Gauche avec elle. Elles avaient en tête cette intégration si difficile. La colère des violences, des brimades et discriminations reçues. La peur d’un possible drame Malik Oussekine qui arrivera an plus tard. La honte autant que l’horreur jetées au visage de la République.

La gauche c’est l’antiracisme. Ce ne doit pas être un aveuglement.

Insidieusement, l’antiracisme a parfois occulté certaines réalités. L’insécurité des quartiers et banlieues, l’envol de l’économie parallèle des trafics ou le développement du culte des caves ont trop souvent été expliqués comme des réponses à la ghettoïsation, à la discrimination à l’emploi et au racisme d’une France blanche, chrétienne emprunte de colonialisme.

Certains diront qu’est née là une culture de l’excuse. Clairement s’est installé un manque de discernement. Face à la caricature grossière de la xénophobie, la réponse humaniste ne fait pas dans le détail.

C’est là qu’une partie de la génération « touche pas à mon pote » s’est de mon point de vue égarée. Là qu’il aurait fallu exiger plus de République et le mettre en œuvre. Une égalité réelle

et l’ordre public en même temps. Pas un paternalisme, pas un colonialisme inversé quifigerait ces Français d’origine étrangère comme un corps social homogène, faible, obligatoirement musulman. Des indigènes, qu’il faudrait protéger. En République ils sont des citoyens à part entière.

L’antiracisme ne doit pas aveugler la gauche aujourd’hui sur la question du communautarisme religieux.

L’islam est une religion pas une origine. Il n’a pas d’Etat qui a eu son siècle des lumières, qui a eu Combes ou Briand et leur loi de 1905 en conséquence. L’Islam ne distingue pas le spirituel du temporel. Ce n’est pas le seul. Ce n’est qu’un constat.

Dans ce contexte, l’imam dont la culture républicaine reste indéterminée se pose comme l’interlocuteur. Il incarne et représente la communauté parfois en accord avec des élus locaux abandonnés par la République. Il guide un communautarisme inéluctablement religieux. Signe des temps, dire cela aujourd’hui tranquillement, est devenu plus crispant que la dénonciation par Gambetta du « cléricalisme ennemi » hier.

Parallèlement, chacun l’observe, le voile et la djellaba s’affichent partout. Sont-ils modes, réactions, revendications culturelles, politiques ou religieuses? Intuitivement, on pourrait dire qu’ils ne sont pas différents de la Kippa ou des croix et médailles portées au cou.

Pourtant ils sont différents aujourd’hui. Ils le sont car ils disent aussi autre chose, portés par une jeunesse qui abandonne ses jeans chéris. Ils sont autre chose dans une mondialisation en proie au fanatisme religieux, dans le conflit israélo-palestinien, dans une France où le racisme prospère tranquillement sur nos écrans, où l’islamisme, et pas l’islam, tue.

Le voile lui, consciemment ou non, fait de la femme la prolongation religieuse de l’homme. Nos grands-mères portaient des fichus ? Si tant est que se fut comparable, elles n’en portent plus. Assumons-le.

Alors qu’en Iran, en Algérie, et ailleurs les femmes appellent à se libérer du hijab, en France certains veulent en faire un symbole de liberté.

Quelle liberté lorsque c’est seulement celle de se voiler qui est invoquée? Quelle liberté lorsque celles et ceux qui prônent le dévoilement des femmes sont insultés, injuriés voire menacés de mort?

La société est clairement en droit de s’interroger. La laïcité doit rester en hauteur.

Pour les sorties scolaires, dans la République laïque, imposons à toutes les accompagnatrices et accompagnateurs scolaires d’être véritablement formés à la laïcité et de signer un acte d’engagement en ce sens. Nous verrons s’ils en sont libres et d’accord. Excluons de ces

missions celles et ceux qui le refuseraient ou y contreviendraient. C’est de la possibilité de s’émanciper d’une emprise religieuse que tombera le voile pas l’inverse.

L’enjeu c’est la suprématie de la citoyenneté sur les croyances. La neutralité du service public. La garantie réelle de pouvoir s’extraire sans crainte d’un dogme. Le contester c’est faire l’apologie des sectes.

Il ne peut être question de racisme anti-islam, pas plus que de persécution des musulmans dans un pays qui protège réellement la liberté de conscience. Invoquer ici le racisme, c’est détourner le regard. Le racisme doit être traqué et condamné tout aussi durement que le communautarisme religieux pour l’extrémisme identitaire qu’ils ont en commun.

Disons-le clairement : les débats de 1905 n’étaient pas l’expression d’un racisme anti- catholique mais la volonté d’un peuple de se projeter vers l’avenir et le progrès humain, libre de toute influence.

En France, les républicains laïques n’ont pas de haine car ils n’ont pas de revanche à prendre. Ils espéraient même ce débat clos et accepté de tous. Il ne l’a jamais été. Il nous revient violemment et autrement dans la férocité et le brassage culturel du 21ème siècle.

Vivre dans notre République est exigeant pour tous. Cela ne l’est pas moins pour les musulmans. Pas plus non plus. C’est l’assurance pour eux comme pour tous les croyants de vivre librement leur foi. Pour les non-croyants d’en être préservé.

Si la gauche a toujours dénoncé la ghettoïsation et les discriminations ce n’est pas pour en promouvoir d’autres, dites positives, aujourd’hui.

C’est la gauche qui fit 1905. C’est la gauche qui fit « touche pas à mon pote ». Deux fiertés. Elle ne peut confondre les deux au nom de son identité républicaine. Une identité républicaine pour corriger ses propres dérives. Une identité républicaine pour affirmer la laïcité et l’égalité comme deux piliers fondamentaux. Une identité républicaine pour ne rien oublier ni pardonner, non plus, des fautes de la France à l’égard de ceux qui sont pleinement nos concitoyens aujourd’hui.

Non, au nom de ma gauche républicaine, « touche pas à mon pote » ne peut pas devenir « touche pas à mon voile ».

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